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dimanche 27 février 2011

Le régime parlementaire, c'est quoi ? (Version française)


Sommaire :
a)       Brève histoire du régime parlementaire
b)      Forme(s)  du régime parlementaire
                                            i.         Légitimité du chef de l'Etat
                                          ii.         Légitimité du chef du gouvernement
                                        iii.         Relations entre les pouvoirs au sein de l'Etat
a)       Culture démocratique répandue
b)       Le bipartisme
c)        Des partis politiques forts et influents ?
4.       Quelle alternative ?


1.            Qu'est-ce qu'un régime politique ?

Un régime politique est le mode d'organisation selon lequel un Etat se structure. Il fait référence à l'agencement des différents pouvoirs et institutions en son sein.

Les pouvoirs sont :
-                 Législatif (en charge d'édicter les Lois, volonté du peuple) ;
-                 Exécutif (en principe, en charge de l'application de la Loi et de la gestion des affaires courantes de l'Etat) ;
-                 Judiciaire (en charge de faire régner la justice entre tous et de faire respecter la Loi).

On distingue généralement deux (2) types de régimes politiques :
-                 Régime Républicain (les différents pouvoirs sont aux mains de différentes institutions) ;
-                 Régime Monarchique (les différents pouvoirs sont concentrés aux mains d'un seul).
Un troisième type de régimes existe : le Régime Militaire, qui ne s'insère ni dans l'une, ni dans l'autre des deux précédentes catégories et fait référence à l'exercice par l'armée des différents pouvoirs.

En ce qui nous concerne, le régime monarchique est évidemment à exclure. De même (espérons-le) le régime militaire. Il n'y a donc plus qu'une seule possibilité, celle déjà choisie en 1957 : la République. En effet, la seule norme supra-constitutionnelle en Tunisie est la forme républicaine de l'Etat.
Cette République permet à son tour d'aménager les pouvoirs en son sein et donne lieu à une grande division entre Régime parlementaire et Régime présidentiel. Division autour de laquelle gravitent d'autres formes nuancées mais inspirées de ces deux systèmes. (retour au sommaire)

 2.            Le régime parlementaire

C'est le sujet central de cet article, il est donc normal de commencer par là.

Pour comprendre ce qu'est un Régime parlementaire, il faut d'abord connaître ses premiers pas, avant de s'intéresser à sa (ses) forme(s) actuelle(s).

a)        Brève histoire du Régime parlementaire

Le pays qui revendique la paternité du Régime parlementaire est la Grande Bretagne.
Son histoire remonte à la Magna Carta (1215) par laquelle le Roi britannique Jean sans-terre a renoncé à une partie de ses pouvoirs aux barons anglais : principalement la levée de l'impôt et des taxes et la limitation arbitraire des libertés. A partir de là et jusqu'à cinq siècles plus tard, les souverains britanniques verront leurs pouvoirs diminuer jusqu'à une certaine nuit d'octobre 1714 durant laquelle accède au trône d'Angleterre George Ier. George est issu de la maison de Hanovre et est donc d'origine allemande. Seulement, lorsqu'il accède au trône d'Angleterre, il ne parle pas un mot d'anglais ! Pire encore ! Très patriote, il refuse de l'apprendre alors même qu'il habite le palais de Westminster !
Monsieur Georges nommera donc un « premier des ministres » (origine du poste) qui traduira ses ordres donnés en allemand et qui se chargera de le tenir au courant.
Désintéressé de la politique anglaise, il laisse ses ministres gérer ses affaires et ces derniers se réuniront dans une petite pièce derrière la salle du Roi : le Cabinet qui donnera son nom au gouvernement jusqu'à aujourd'hui. Ce désintérêt sera transmis à son fils, Georges II, qui délaissera lui aussi l'anglais. Leur succèdera Georges III, petit-fils du second : enfin un Roi d'Angleterre dont la première langue était l'anglais ! Mais malheureusement, monsieur le Roi souffrait d'aliénation mentale, ce qui l'empêcha d'exercer ses fonctions mais ne poussa pas à sa destitution. A sa mort en 1820, c'est Georges IV (son fils) qui prend le relais : surnommé « prinny » (le scandaleux), il était connu pour son extravagance, ses excès et son… goût prononcé pour l'alcool.
Durant plus d'un siècle, ces différents souverains (deux germanophones, un fou et un ivrogne) se mêleront peu de la politique intérieure de l'île et laisseront faire non seulement leurs ministres au sein du gouvernement, mais aussi le Parlement qui s'arrogera des pouvoirs de plus en plus étendus, dont celui par exemple de présenter une « Motion de censure » contre le gouvernement. Ce dernier va acquérir aussi le droit de dissoudre ce même Parlement.

b)        Forme(s) du Régime parlementaire
Dans tous les régimes disposant d'un Parlement, les parlementaires sont élus directement par la population et représentent « l'intérêt suprême de la Nation ». Ils sont à l'origine de la Loi « expression de la volonté du peuple ».
Le Parlement peut-être à une seule chambre (Suède, Tunisie avant 2002) et sera donc Monocaméral ou à deux chambres (Angleterre, France, Etats-Unis) et sera dans ce cas Bicaméral.
Le Régime parlementaire s'exportera vers différentes nations entre le XVIIe et le XIXe siècle (Pays-Bas, Italie, Japon, etc...). Cette expansion, du fait de nombreuses adaptations, fera naître différentes formes de régimes parlementaires. Néanmoins toutes tournent autour de trois points centraux :
i.                   Légitimité du chef de l'Etat
Dans un Régime parlementaire, le rôle du chef de l'Etat ne dépasse jamais le symbolique. Qu'il soit Monarque (Angleterre, Suède, Pays-Bas, etc.) ou Président de la République (Italie, Israël, etc.), le chef de l'Etat ne fait que représenter le pays mais n'a vocation ni à décider ni à contribuer à sa vie politique.
ii.                   Légitimité du chef du Gouvernement
Dans un régime parlementaire, l'histoire l'explique, le chef du gouvernement (c'est-à-dire, le Premier ministre) ne bénéficie pas d'une légitimité populaire. En effet, il n'est pas élu. C'est l'expérience britannique qui s'est imposée et qui veut que le chef du parti majoritaire au Parlement soit automatiquement nommé Premier ministre, en charge de composer un Gouvernement.
iii.                   Relations entre les pouvoirs au sein de l'Etat
Dans un Régime parlementaire, on parle de séparation souple des pouvoirs, par opposition à la séparation rigide de ces mêmes pouvoirs dans un Régime présidentiel.
Cette séparation souple est ainsi appelée car :
-                 Séparation fait référence à la distribution des pouvoirs entre différentes institutions (Parlement, Gouvernement, système judiciaire) ;
-                 Souple car la séparation n'est pas catégorique, en effet, de nombreux mécanismes font que et le législatif et l'exécutif peuvent se constituer en contrepoids l'un par rapport à l'autre (Dissolution du Parlement vs. Motion de censure). Mais aussi car l'exécutif est issu du législatif et que le ministre de la justice au sein de chaque gouvernement (donc au sein de l'exécutif) est le président de la plus haute instance judiciaire du pays. (retour au sommaire)

3.            Un Régime parlementaire en Tunisie est-il possible ?

De prime abord, oui ! La Tunisie est un Etat, possède des institutions, un peuple doté de la parole et d'une tête, des politiciens qui peuvent s'en charger.
Néanmoins, s'en tenir à ça reviendrait à aller vers un inconnu… dangereux !
Dangereux, parce que tous les Régimes parlementaires qui existent ne marchent pas tous comme il faut. D'ailleurs, plus nombreux sont ceux qui échouent que ceux qui réussissent vraiment. Prenez l'exemple de l'Italie ou du Japon pour les échecs répétitifs et la Suède pour la réussite.
Une analyse concrète des différentes tentatives permet de comprendre que, pour qu'un Régime parlementaire réussisse, trois exigences doivent se réaliser :
a)   Une culture démocratique répandue
Jamais un Régime parlementaire n'a pu fonctionner là où la Démocratie n'a posé ses fesses. Des libertés garanties dans un environnement pacifique. Une conscience politique développée et un grand sens de la responsabilité et de la citoyenneté.
Néanmoins et malgré l'importance de cette condition, elle ne suffit toujours pas à elle seule !
b)   Le bipartisme
Il fait référence à l'existence, dans les faits, de deux grands partis politiques. En Angleterre, les conservateurs (Tories) et les libéraux (Labour). Aux Etats-Unis (même si ce n'est pas un Régime parlementaire), les démocrates et les républicains, etc...
Il constitue une exigence, non pas théoriquement, mais dans la pratique car les régimes fonctionnant avec un multipartisme souffrent d'une instabilité politique constante (Liban, Italie, Israël, etc...).
Source : http://langlois.blog.lemonde.fr/2008/11/17/regimes_politiques/
En réalité, ce n'est pas tant de deux grands partis que de deux grands blocs dont il est question : en Suède par exemple, il existe un bloc de gauche composé de 3 partis (socialiste, post-communiste et écologiste) et un bloc de droite composé de 4 partis (centre et droite).
c)   Des partis politiques forts et influents
Conséquence logique des deux premières conditions, la dernière fait référence à des partis politiques entraînés au jeu démocratique et à la féroce concurrence dans le champ politique. Des partis qui représentent l'ensemble des idéologies propagées dans la population et qui savent le moment venu décider, s'unir, se séparer et tracer le bon chemin à suivre pour tout le pays.
Voilà donc ces trois exigences exposées. Il est temps de s'intéresser à leur applicabilité en Tunisie, si tant est qu'on soit d'accord sur leur inexistence à ce jour.
Le constat est rapidement fait pour le premier point : il n'y a pas de culture démocratique ! Un pays comme le notre a été handicapé par 23 ans de désinformation, d'handicap psycho-politique, de privation de libertés fondamentales, etc.
Je me permets d'être encore plus sceptique concernant le second point : comment d'ici 6 mois, 1 an, 10 ans, pourrait-on en arriver à deux blocs ? Où seront-les islamistes, les communistes, les socialistes modérés, les ex-RCD et la myriade de petits partis qui vont maintenant voir le jour (environ 200 en demande d'autorisation à ce jour).
Enfin et pour les mêmes raisons, comment prétendre avoir des partis politiques forts et influents aussi vite, considérant d'autant plus la crise de confiance qu'a révélée cette révolution ?
A mon avis donc, la question d'un Régime parlementaire en Tunisie n'est pas une question de volonté mais bien une question de possibilité : pouvons-nous réellement assumer cela ? Si oui, peut-on le faire en aussi peu de temps (sachant que des pays comme la Grande Bretagne ou l'Italie ont mis plusieurs siècles à atteindre cela) ? (retour au sommaire)


4.            Quelle alternative ?
L'interrogation à propos de la mise en place d'un Régime parlementaire est selon moi absolument légitime, en apparence du moins.
Légitime car sachant qu'il n'existe que deux grandes formes possibles de régimes politiques et croyant le régime présidentiel à l'origine de la dictature de Ben Ali, l'esprit se tourne vers la seule autre possibilité : le Parlementaire.
Légitime, en apparence seulement ! Car il est faux de croire que ce qu'a vécu la Tunisie était un régime présidentiel. Ce n'était absolument pas le cas ! Un chef de l'Etat jouissant de la quasi-totalité des pouvoirs en face duquel on trouve un Parlement (plus que complaisant) « éteint » et un appareil judiciaire soumis et dépendant entièrement de la bonne volonté de Monsieur, ne peut en aucun cas constituer un Régime présidentiel ! Certains parleront de Régime autoritaire mais le terme technique qui semble le plus adéquat est « présidentialisme» une forme poussée à l'extrême qui n'offre plus ni contrepoids, ni garanties. Un système de répression des libertés et des droits. Une véritable dictature autocratique et ponctuellement sanguinaire.
L'alternative dans ce cas, et telle est mon opinion, est de mettre en place un vrai Régime présidentiel : dans l'idéal suivant le système américain, mais cela pouvant être trop ambitieux, suivant le système français.
Un Président jouissant de grands pouvoirs de décisions mais limité par un ''VERITABLE'' Parlement et un système judiciaire réellement indépendant. Le tout évidemment suivi et régulé par une Société civile active et vigilante et chapeauté par une Constitution (peu importe nouvelle ou pas, l'important est qu'elle soit) respectée à la lettre.
Dans ce cas, on parlera d'un Régime Mixte : Présidentiel auquel on aura intégré de nombreuses techniques et garanties qu'offre le Parlementaire.
Vous êtes tous, bien sûr, invités à donner votre opinion à cette modeste contribution.
A bon entendeur,

E’ssalam (Haut de page)
Zied Boussen

6 commentaires:

  1. trés bon article.
    le régime mixte est le régime semi présidentiel ou quoi?

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  2. je pense maintenant pareille, qu'en Tunisie dans cette période difficile que la mise en route du système parlementaire n'est pas réalisable ou n'est pas praticable car déjà la notion de DÉMOCRATIE n' est pas encore instauré (ou il faut du temps que nous tous puissant la comprendre et la pratiquer) et les parties politiques ne sont pas encore claire et il a7ZEBB beaucoup comme moi ont faits pas confiance...

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  3. Merci pour vos commentaires.

    Je suis contents que l'article vous ait plu.
    Pour la première question : le régime mixte est un régime qui prend des techniques venues des deux grandes formes de régimes. Il peut être semi-présidentiel, mais il y a plusieurs autres types existant et ils feront l'objet d'un futur article.

    Pour le second, je suis contents de partager le même avis ;)

    Ps: anonymes ? :)

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  4. Merci Zied pour cet article et votre professionnalisme. C'est grâce à des articles de ce genre qu'on peut avancer et aboutir à une Tunisie libre et démocratique. Continuez dans ce sens, vous avez tout mon soutien.
    P.S. J'ai apprécié aussi votre article sur la laïcité. Bon travail!
    Hatem JERBI, hatemjerbi@planet.tn

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  5. Bravo et félicitation pour l'excellente qualité de votre article. Vous avez fait une présentation de la situation existante en Tunisie qui a conduit à la catastrophe, vous l'avez critiqué pour ensuite présenter des solutions en faisant un historique des modèles d'organistions dans le monde et ce qui existe de nos jours. Pour continuer dans ce sens trés constructif est-il possible d'organiser à la télévision un débat avec les régions ou des personnes intelligentes comme vous (des jeunes bien sur et non des vieux comme notre premier ministre actuel 85 ans qui a fait ses preuves durant les années 60 au ministère de l'interieur)pourront s'enrichir de cette culture democratique et donner leurs avis. Cela sera trés constructif et fera bien avancer les choses. Victor HUGO disait: Quand le peuple sera intélligent, alors seulement le peuple sera souverain. FELICITATIONS encore une fois et trés bonne continuation avec beaucoup de réussite

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  6. Quels peuvent être les apports d’un régime parlementaire ?

    L’étude comparative entre les régimes présidentiels, semi présidentiels et parlementaires en Afrique, réalisée par Mamadou Gbongué et Eric Kouadio, offre des pistes de réflexion intéressantes puisqu’elle fait ressortir que dans ces régimes parlementaires, le niveau d’alphabétisation et de scolarisation sont meilleurs, le revenu par habitant est plus élevé, la corruption est moins importante, la gouvernance est meilleure, il y a moins de conflits et plus de stabilité, la liberté économique y est également beaucoup plus élevée. Certes l’Afrique dispose de peu de pays ayant fait le choix d’un régime parlementaire mais cette étude incite à approfondir la réflexion et pourquoi pas à tenter d’instaurer un tel régime qui de toute évidence ne peut apporter que plus de bien-être aux populations. Pour reprendre les termes de Jean-Philippe FELDMAN, une bonne constitution peut-être un véritable catalyseur du développement.

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